Repousser l'Étreinte... Jusqu'à quand?

L'arrière boutique du Candy Shop n'est éclairée que par l'écran de l'ordinateur maintenant que le soleil s'est couché. Cela fait des heures que Chris tape sur son clavier, en vain.
Ces systèmes de sécurités sont vraiment bien trop avancées pour lui, et il manque décidément cruellement d'expérience dans le domaine... Sécuriser quelque chose, crypter quelque chose, il en est capable, c'est son boulot après tout... Mais pour l'inverse, ses connaissances ne sont définitivement que théoriques. Non, définitivement, sans l'aide d'Alan c'est inutile...
Et dire que sur Lausanne c'était si facile... À peine un code à casser et hop toutes les informations tombaient... Tout portait à croire que ce serait encore plus facile ici... Bon, au moins, rien que le niveau de sécurité est une preuve qu'il y a quelque chose de louche derrière...

Chris arrête de taper. D'une main il repousse le portable sur la table, de l'autre il attrape une bouteille de Coca à moitié vide et se met en devoir d'en finir le contenu. Quelques instants plus tard, la bouteille – vide – rebondit violemment contre les murs de la pièce, finissant sa route dans un coin auprès de quatre ou cinq de ses semblables.

Quelque chose de louche... Si il n'y avait que ces problèmes informatiques ça irait encore mais ces temps, tout semble louche. Chris s'appuie sur le dossier de sa chaise, les mains derrière la tête, les yeux fermés. Plus de trois mois déjà... Plus de trois mois qu'il a, pour la première fois, emprunté les couloirs vaseux et les échelles glissantes des égouts de la ville. Plus de trois mois que sa vie n'est plus qu'un outil dans les mains d'une espèce de créature difforme qui se nourris de sang humain. Et le pire, c'est que Mat n'est de loin pas le plus monstrueux des vampires de la région...
Il y a encore trois mois, Dracula n'était qu'une légende, les loups-garous un jeu de cartes et les démons des PNJ dans des jeux de rôle. Finalement, durant ces trois mois, Chris en a plus apprit sur le monde que durant le reste de sa vie, et pourtant ces quelques bribes de savoir ne lui assurent même pas la survie dans cette partie de la réalité.
Devenir un Vampire... Volontairement... Un choix étrange malgré tout, que très peu ont eu visiblement. Pourtant, à moins de rester un outil à la merci des lubies de n'importe quel Caïnite passant par là, c'est le seul choix « logique » pour l'avenir. Avec toutes les contraintes que cela apportera.

Chris ouvre à nouveau les yeux et les porte à l'écran. Un nouveau message. Comme tous les soirs depuis des semaines elle lui a envoyé un message. Pour savoir où il est, pourquoi il ne donne plus de nouvelles, ce qu'elle a fait pour qu'il la traite ainsi... Encore quelque chose qu'il faudra régler avant de se décider à franchir le pas...
Le regard de Chris se porte sur le bas de l'écran, l'heure est déjà bien avancée. Si il n'est pas sorti lui-même, Mat va encore s'inquiéter en le voyant arriver si tard...
« Je t'ai déjà dit de ne pas sortir la nuit!!! », toujours le même refrain, toujours les mêmes craintes qu'il se soit montré dans la rue, qu'il ait été repéré... Mat devrait pourtant savoir depuis le temps que Chris a autant si ce n'est plus peur que lui de ces flics lancés à ses trousses...

Pendant que l'ordinateur s'éteint, Chris ramasse les bouteilles vides et les emballages de hamburger: cette fois Riton n'aura rien à dire sur l'état dans lequel il a laissé la petite salle. Une fois ses affaires emballées, Chris sort par la porte de derrière, histoire de respirer un peu d'air frais en marchant jusqu'à la bouche d'égout la plus proche. Au fond de lui, il sait qu'il ne pourra bientôt plus repousser le délai... L'offre de Mat est la seule option pour ne pas rester un larbin toute sa vie... Bien sûr ça ne sera pas rose, bien sur ça sera douloureux, mais le statut d'objet ne conviens décidément pas à Chris. Arrivé en bas de l'échelle de la bouche d'égout, Chris prends le chemin du repaire de Mat, l'esprit torturé par les milles et une question qu'il aimerait poser à son Maître avant de le rejoindre parmi les rangs des rats d'égouts.

Le Baron finit de lire la longue missive du Sénéchal. pensif, il se pencha en arrière dans son fauteuil en cuir noir et porta à ses lèvres un magnifique verre en cristal contenant un Cognac qui devait daté de la naissance de sa goule la plus fidèle.

"Jakob a raison et la situation est terrible..." murmura-t-il paisiblement. Il ne prêtait qu'à moitié attention au morceau de Wagner qui passait à fort volume dans la pièce. Le Ventrue porta la main sur son front, résigné et comme fatigué...

"... nous devons renforcer Lausanne. Mat doit agir. Il est temps..."

Son regard se perdit dans le liquide d'un brun chaleureux qu'il faisait danser machinalement sur les rythmes des Maîtres chanteurs de Nuremberg. Il leva lentement et prit son portable...